Amazon : une culture RH axée sur la mobilité interne

Anne-Marie Husser - DRH Amazon

A travers cette interview, Anne-Marie Husser (DRH Amazon France-Luxembourg), nous donne un aperçu de la culture RH d’Amazon qui promeut la mobilité interne et qui se focalise, en 2020, sur le parcours de carrière de ses employés. Deux atouts idéaux pour attirer les jeunes recrues et étudiants, en plus du challenge qui leur est dédié et qui prend chaque année un peu plus d’ampleur.

Pouvez-vous résumer rapidement votre parcours, scolaire et professionnel ?

Je suis diplômée de l’école de management Audencia de Nantes. J’ai débuté ma carrière dans le marketing avant de m’orienter vers les ressources humaines. J’ai pris le virage à la fin des années 1990, persuadée de pouvoir enrichir la fonction RH de cette compétence marketing. De fait, je pense que j’apporte une touche marketing dans tout ce que je fais dans le sens où mon objectif est d’aller expliquer qui nous sommes, de manière très authentique, au plus proche des talents que nous cherchons à attirer. Dans ma démarche, le discours intentionnel n’a pas sa place. Je préfère partir des exemples et des expériences pour attirer ces talents que les entreprises recherchent sur le marché de l’emploi. Inventer, créer, tisser un lien avec les populations sur le terrain… c’est là que ma compétence marketing apporte un plus.

Forte de cette vision, j’ai débuté ma carrière de responsable des ressources humaines dans les secteurs de l’informatique, puis de l’industrie pharmaceutique. En 2006, j’ai pris la direction des ressources humaines de la société d’audit et de conseil Ernst & Young avant de rejoindre Amazon en 2014 où j’ai pris en charge la partie France et Luxembourg avec un prisme sur les métiers du e-commerce.

En tant que DRH France-Luxembourg d’Amazon, quelles sont vos missions principales et quels sont vos défis ?

Lorsque je suis arrivée chez Amazon, il y a cinq ans, un mandat clair m’a été confié : développer nos collaborateurs au même rythme que l’entreprise, à l’aide notamment de mécanismes élaborés de promotion et de mobilité interne ainsi qu’un vaste programme de formations.
Amazon est un accélérateur de carrières. Nous attachons bien entendu de l’importance aux diplômes et aux compétences mais l’adéquation des candidats aux 14 principes de leadership sur lesquels Amazon s’est construit, tels que l’esprit entrepreneurial, la capacité à prendre les bonnes décisions ou à satisfaire le client, est tout aussi fondamentale.
Au quotidien, ma mission se traduit par la transformation de l’organisation, le pilotage des dispositifs de développement des carrières et des talents, la définition et le déploiement des programmes d’engagement et de rétention des salariés, l’accompagnement de la politique de recrutement, la mise en place et le renforcement des relations-écoles ainsi que le développement de la marque employeur.

Combien de diplômés de Grandes Écoles sont recrutés chaque année chez Amazon ? Quels postes occupent-ils ?

Chez Amazon, la mobilité interne n’est pas une vaine promesse. Elle est ancrée dans notre culture et, par voie de conséquence, dans notre processus de recrutement. Partant de ce principe, nous estimons que chacun sera amené à évoluer dans plusieurs métiers et plusieurs services. C’est pourquoi le processus de recrutement est global : nous ne recrutons pas pour un poste précis, comme cela peut se faire ailleurs, mais pour Amazon sur le long terme. De la même façon, un manager qui aurait un poste à pourvoir n’est pas le seul à décider. Il est accompagné par des collaborateurs ainsi que d’un « bar raiser », dont la mission est de s’assurer que nous ne recrutons pas un candidat pour des contraintes d’agenda. Ils font partie du panel d’interviewers lors du recrutement, ils conduisent les débriefs lorsqu’il s’agit de prendre une décision et ce sont eux qui ont le dernier mot. Totalement neutres par rapport au poste concerné, ils sont là pour recruter les meilleurs talents, en phase avec nos valeurs. Afin d’identifier ces profils, nous nous appuyons sur des cas concrets que le candidat aurait rencontrés au cours d’expériences passées : stage, job d’été, séjour à l’étranger, expériences associatives, etc. Nous cherchons également à déceler sa façon d’appréhender différentes problématiques ainsi que son esprit entrepreneurial.

Quelles actions ou communications ont été mises en place afin d’attirer les étudiants et jeunes diplômés chez Amazon ?

Les jeunes diplômés sont recrutés exactement comme les autres collaborateurs. Mais comme toutes les entreprises qui recrutent, nous avons mis en place plusieurs initiatives afin de développer notre marque employeur. Dans cette perspective, le lien que nous avons avec les écoles et les universités est fondamental. Par exemple, plusieurs dizaines de collaborateurs expérimentés entretiennent des relations avec leur ancienne école de commerce. Ils aident à développer des actions de partenariat avec les écoles, telles que l’animation de cours, l’intervention dans des classes pour parler de nos métiers ou encore des visites de sites logistiques d’entrepôt afin de montrer notre réalité aux jeunes diplômés : notre capacité d’innovation, nos process…

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Parallèlement, nous collaborons aussi avec l’association Article 1 pour accompagner des étudiants issus de milieux populaires, ce partenariat se traduit par des opportunités d’intervention dans des lycées classés en zone d’éducation prioritaire ainsi que des mentorats exercés par nos collaborateurs. Nous avons également initié l’Amazon Campus Challenge, un concours permettant aux étudiants d’enrichir leur formation d’une véritable expérience entrepreneuriale. Leur objectif est d’aider une TPE ou PME qu’ils auront préalablement convaincu à franchir le cap du digital en développant une activité de e-commerce sur notre site. Amazon Campus Challenge, dont la troisième édition est en cours en France, est un franc succès et s’étend désormais à plusieurs pays européens avec des milliers d’étudiants participant au concours.

Quel format privilégiez-vous pour vos communications ? Et quelle place laissez-vous au digital ?

Nous avons récemment relayé notre obtention de la certification Top Employer qui démontre notre engagement à fournir le meilleur environnement de travail possible à nos collaborateurs à travers des pratiques RH innovantes qui placent l’humain au cœur de notre stratégie. Cette certification passe en revue plus de 600 pratiques de développement professionnel réparties selon 10 thèmes. Autrement dit, elle laisse peu de place au doute. C’est pourquoi nous sommes si fiers de ce travail qui vient aussi récompenser nos efforts pour faire d’Amazon le meilleur endroit pour entreprendre sa carrière et s’épanouir.

En tant que recruteur, Amazon est-il présent sur les réseaux sociaux ? Les cibles et les stratégies sont-elles différentes selon les réseaux ? 

D’une manière générale, les réseaux sociaux permettent de nouer des relations nouvelles et différentes, en externe comme en interne, et nous permettent d’être présents là où les talents se trouvent. Nous y publions bien entendu des informations institutionnelles mais nous les utilisons aussi pour relayer les témoignages de collaborateurs, qui restent les plus à même de partager leur expérience. Ils sont par ailleurs libres de témoigner de leur expérience, de leur quotidien ou encore leur métier au sein d’Amazon.

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Avez-vous mis en place des actions qui n’ont pas eu les retours escomptés ? Quelle leçon ou enseignement en tirez-vous ?

Je n’ai pas d’exemple marquant qui me vienne à l’esprit mais c’est probablement dû au fait qu’échouer n’a jamais été un problème pour nous. Chez Amazon, tout le monde peut entreprendre et on ne peut pas à la fois demander à nos collaborateurs d’avoir l’esprit entrepreneurial et leur reprocher de ne pas réussir à chaque fois.
De la même façon, l’innovation n’est pas un long fleuve tranquille. Elle revendique le droit à l’échec et c’est très précisément ce que nous faisons chez Amazon. Innover, c’est avoir à la fois et en permanence, l’envie d’essayer, l’envie d’apprendre et l’opportunité de se tromper. En la matière, nous ne sommes pas en reste. À l’instar de notre site de vente aux enchères, Amazon Auctions, rapidement abandonné après que nos clients nous aient interpellés sur l’incohérence de notre démarche, ou encore de zShops, un portail de vente par des tiers à prix fixe. Nous avons tiré les leçons de ces échecs. Ils ont donné naissance à la marketplace Amazon telle qu’on la connait aujourd’hui. Ces deux exemples nous rappellent deux vérités : d’une part, le vieil adage français « qui ne tente rien n’a rien » et, d’autre part, que tout échec est toujours porteur de riches enseignements. Innover, c’est oser, tenter, rater, apprendre, réessayer…

Pouvez-vous nous expliquer ce qu’est l’Amazon Campus Challenge, et quels sont ses objectifs ?

L’Amazon Campus Challenge a été initié par de jeunes collaborateurs, preuve que nous valorisons l’esprit entrepreneurial et que tout le monde peut entreprendre chez Amazon. L’initiative a été lancée en France en 2017. Il s’agit en pratique d’un concours qui permet aux étudiants d’enrichir leur formation d’une véritable expérience entrepreneuriale. Dans un premier temps, ils doivent constituer une équipe de 2 à 5 personnes, puis identifier et convaincre une TPE ou une PME qui accepte de jouer le jeu à opérer sa transformation digitale en l’accompagnant dans le lancement de son activité de vente en ligne sur notre site. Une fois la stratégie et les objectifs définis, chaque équipe doit assurer le lancement de la boutique sur Amazon et assurer son suivi pendant une période de plusieurs mois.

Pour mener à bien leur mission, les étudiants doivent comprendre et utiliser les principaux leviers de développement de la vente en ligne et se confronter à des problématiques business concrètes, telles que la définition de l’offre et la politique commerciale. Tout au long de ce challenge, ils travaillent avec leur entreprise, en toute indépendance vis-à-vis d’Amazon. Complément concret à la formation dispensée en cours, Amazon Campus Challenge bénéficie d’une organisation souple et adaptée aux programmes universitaires. Les écoles et universités ont ainsi la possibilité de l’intégrer comme un véritable module de leur propre programme pédagogique ou de laisser les étudiants y participer de façon autonome.

À travers cette expérience unique de mise en situation réelle, Amazon donne l’occasion aux étudiants de mettre en œuvre leurs acquis tout en se forgeant de solides compétences dans un domaine en pleine expansion : l’e-commerce. Expérience qu’ils pourront ensuite mettre à profit pour se confronter à la réalité du monde professionnel et nouer des relations privilégiées avec leur entreprise. Dit autrement, participer à Amazon Campus Challenge, c’est enrichir son CV d’une expérience unique et originale qui ne manquera pas d’attirer l’attention de futurs employeurs.
Enfin, comme dans tout concours, il y a des gagnants et des prix !

Depuis sa création, en 2017, quelles ont été les évolutions du Challenge ? Que prévoyez-vous de nouveau pour l’édition 2020 ?

L’Amazon Campus Challenge est un franc succès qui s’étend désormais à plusieurs pays européens avec des milliers d’étudiants qui participent à l’initiative. Cette année, le concours s’installe en effet aussi en Italie, Espagne et Angleterre, en plus du Luxembourg, de la Belgique et de la France bien entendu. Nous allons devoir gérer des milliers d’étudiants ! C’est un grand projet.

Quelles sont les retombées du Challenge ? Quels retours avez-vous des étudiants et participants ?

Je vous invite à consulter les vidéos des participants sur notre site : ils sont tous ravis par l’expérience, qu’il s’agisse des entreprises ou des étudiants. Certaines entreprises ont même conservé l’équipe d’étudiants après le concours pour continuer à développer leur activité sur notre site.

En termes d’évolutions et de formations, que propose Amazon aux jeunes recrues ?

La mobilité interne est inhérente à notre culture. À titre d’exemple, nous avons recruté en intérim il y a environ dix ans une jeune fille qui venait tout juste d’avoir sa licence en Lettres Etrangères Appliquées (LEA). Elle cherchait à s’occuper pendant son séjour à Cook en Irlande. Aujourd’hui, elle dirige notre service « Expérience client » en France. Cet exemple illustre à la fois la réalité de notre politique de mobilité interne mais aussi l’importance que nous accordons à la personnalité du candidat, indépendamment du niveau de son diplôme.

Parallèlement, nous n’avons pas attendu la réforme de la formation professionnelle pour offrir à nos collaborateurs des plans de formation. En réalité, nous allons bien au-delà des obligations légales. Nous proposons des dizaines de formations et nous finançons même des programmes sur plusieurs années qui permettent à nos collaborateurs d’obtenir des qualifications et des certifications diplômantes. Enfin, nous avons aussi prévu des formations aux compétences métier spécifiques à nos activités ainsi que des programmes pour développer ses softs skills. Enfin, nous pratiquons aussi le mentorat sur des périodes courtes ainsi que sur des durées plus longues pour accompagner, par exemple, notre middle-management à prendre du recul sur ses choix de carrières. Il s’agit d’une mesure importante pour nous qui s’inscrit complètement dans la culture de l’entreprise d’autant qu’elle favorise la proximité entre collaborateurs.

Quels sont les leviers utilisés par Amazon pour fidéliser ces jeunes recrues ?

Quelle que soit l’entreprise, fidéliser ses salariés est un véritable défi. Chez Amazon, nous l’avons relevé avec une stratégie qui pourrait tenir en deux mots : entreprendre et évoluer. Chez Amazon tout le monde peut entreprendre et évoluer à son rythme. Tout est mis en œuvre pour qu’un talent ne se dise jamais « j’ai fait le tour de mon poste ». Nos salariés apprennent tous les jours. Nous proposons fréquemment de changer de métier. Personne n’est assigné à un poste. De la même façon, notre culture de l’échec permet aux jeunes d’entreprendre et de mettre en œuvre les idées innovantes qui germent en eux.
Ces deux leviers, partie intégrante notre culture d’entreprise, expliquent très certainement pourquoi 60% de nos postes sont pourvus via la mobilité interne.

Quels sont, selon vous, les grands enjeux pour la marque employeur d’Amazon en 2020 ?

Cette année, l’accompagnement du parcours de carrière restera au centre de nos préoccupations. Nos leaders de demain auront besoin d’une vision 360 degrés : pour prendre les bonnes décisions, il faut une compréhension globale de l’ensemble des métiers. C’est pourquoi il est essentiel de sensibiliser les nouvelles générations à cet état d’esprit en les aidant à développer des compétences business, mais aussi techniques et logistiques. C’est un défi de longue haleine que nous avons déjà commencé à relever et nous allons poursuivre nos efforts dans ce sens.
Autre grand projet et pas des moindres, l’Amazon Campus Challenge a pris une dimension européenne et nous allons devoir cette année gérer les milliers d’étudiants qui participent désormais au concours. C’est un challenge très stimulant.

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