Avec la crise du Covid-19, le marché publicitaire tourne au ralenti. Ceci implique une forte baisse des coûts d’exposition avec une chute marquée des CPM comprise entre 25 et 70%, selon les différents cursus mis en avant, ce dont profitent de nombreux acteurs concurrents des Grandes Ecoles.
À l’heure où le marché mondial de l’edtech s’avère être en pleine ébullition, nous surveillons au jour le jour les évolutions des dynamiques concurrentielles à l’œuvre dans notre environnement de travail. Celui-ci se caractérise par une intégration de plus en plus forte d’acteurs profitant de l’essor du digital et de la très forte marge sur coûts variables que l’enseignement en ligne permet, à long-terme.
Le business model historique d’une école basé sur de la recherche de qualité, des campus proposant une expérience étudiante inédite en échange de frais de scolarité fait face à sa première crise existentielle moderne. Les Grandes Écoles ont entamé une mutation forcée, plus ou moins rapide, vers l’enseignement distanciel, tout en plébiscitant des outils tels que Zoom.
La croissance soutenue des frais de scolarité des dernières années fait de nos Grandes Écoles des institutions onéreuses sur le marché national (mais très bon marché au niveau mondial). Les étudiants des Grandes Écoles n’ont pas tardé à mener la comparaison avec d’autres services de streaming à travers des memes partagés sur des groupes étudiants comme Neurchi Business School et ses 32 000 membres, tels que celui-ci liké plus de 3000 fois :
Si la comparaison prête à sourire et ne se limite guère à une école en particulier, elle n’en soulève pas moins le défi imposé, par le confinement, aux Grandes Écoles. Elles doivent justifier les investissements financiers de leurs étudiants qui subissent une expérience pédagogique bien moins immersive par rapport à celle présentielle. Et quand bien même elles diffusent efficacement des cours, souvent par le biais de la plateforme Zoom, ces enseignements en ligne ne sauraient être aussi compétitifs sur l’UX (User Experience) que ceux proposés par de nombreuses entreprises pure player de l’éducation en ligne, à l’image de MasterClass.
MasterClass, une ambition renforcée par le Covid-19
« We live in… strange times. » C’est par cette phrase que Paul Krugman commence une vidéo de promotion d’une plateforme en ligne intitulée MasterClass diffusée abondamment sur YouTube ces derniers jours.
Celle-ci propose aux étudiants, moyennant 200$ par an, d’avoir accès à l’ensemble des enseignements asynchrones de références mondiales dans leurs domaines. Chacun est invité à apprendre à :
- travailler sur la stratégie et la créativité avec Bob Iger, emblématique patron Disney ;
- améliorer son leadership avec Howard Schultz, fondateur de Starbucks ;
- maîtriser des concepts économiques et sociaux avec Paul Krugman ;
- jouer au tennis avec Serena Williams ;
- jouer aux échecs avec Garry Kasparov ;
- cuisiner avec Gordon Ramsay ;
- mixer avec Armin van Buren ;
- être créatif avec Anna Wintour ;
- etc.
Cette panoplie de grands noms permet à la plateforme de faire parler d’elle. Qui n’a jamais rêvé d’avoir Gordon Ramsay dans sa cuisine pour enfin réussir son suprême de poulet ou son canard croustillant aux endives rouges ? (Oui, ces recettes sont bel et bien proposées !)
Si ces cours ne sont en rien diplômants et se situent à la croisée des chemins entre loisirs et éducation, il n’en demeure pas moins concurrents publicitaires des Grandes Écoles et universités.
Une concurrence uniquement publicitaire… à l’heure actuelle
Ces vidéos publicitaires s’adressent à un public ayant soif d’apprendre. Une grande majorité de cours sont peu en lien avec les thématiques enseignées en Grande École. Cependant, les enseignements en business, en design ou en sciences entrent clairement dans le champ sémantique des requêtes ciblées par les étudiants cherchant à s’orienter vers des cursus et des diplômes autour de ces disciplines.
L’effondrement des dépenses publicitaires de nombreuses entreprises permet aujourd’hui à MasterClass de s’assurer une exposition optimale à moindre frais.
Depuis le début de la crise du Covid-19, l’effondrement des CPM est palpable, étant divisé par 3 à 5 en fonction des secteurs cibles. De même du côté des CPC : il est désormais possible de payer un clic Facebook à moins de 0,1€… rappelant la bénie période 2014-2015, lorsque nous venions tout juste de nous lancer avec Major-Prépa.
Pour rappel, il était courant, début 2020, de devoir payer un clic Facebook plus de 2€ pour des campagnes de niche sur des thématiques spécifiques (notamment sur la cible MS/MSc/MBA). Les entreprises en forte croissance, moteurs de la croissance des dépenses publicitaires, ont appuyé sur le frein. Sequoia Capital, un des plus grands fonds de venture capital au monde (qui a financé les débuts de Apple, Google, Oracle, Nvidia, GitHub, PayPal, LinkedIn, Stripe, Bird, YouTube, Instagram, Yahoo!, WhatsApp, etc.) a ainsi publié un billet sur Medium très clair quant aux dépenses marketing :
With softening sales, you might find that your customer lifetime values have declined, in turn suggesting the need to rein in customer acquisition spending to maintain consistent returns on marketing spending. With greater economic and fundraising uncertainty, you might even want to consider raising the bar on ROI for marketing spend.
Pour saisir toutes les opportunités offertes par l’effondrement du coût des publicités, MasterClass s’est richement dotée. Fondée en 2014, celle-ci a connu un extraordinaire développement, levant 15 millions de dollars en 2016, 35 millions en 2017 et 80 millions en 2018. L’entreprise connaît un développement de son activité à la hauteur de cet engouement des investisseurs : il y a plus de deux ans, son fondateur, David Rogier, assurait que MasterClass réalisait autant de chiffre d’affaires qu’Udacity et Coursera, qui avoisinait les 100 millions de dollars en 2017 et probablement près de 200 en 2019.
Des plateformes éducatives en plein essor
Les sites web éducatifs explosent actuellement tous leurs scores ! Dhawal Shah, fondateur de ClassPass, a publié un tweet le 17 mars indiquant qu’il avait réalisé plus de trafic en 48h que sur l’ensemble du mois de février :
The last 48 hours have been crazy.
More than a million learners have used @classcentral to find their next course.
In one day we received more traffic than the entire month of February. pic.twitter.com/e0kIVE1NO3
— Dhawal Shah (@dhawalhshah) March 17, 2020
Et MasterClass, à l’instar de l’ensemble des plateformes d’éducation en ligne, suit la tendance hausière. Son rang Alexa, classement mondial des sites Internet en fonction de leur trafic, a connu une fulgurante ascension au fur et à mesure que le confinement gagnait le monde occidental :
Il en est de même du côté des sites et plateformes 2Empower, qui pourraient dépasser en avril le cap du million de sessions mensuelles. Cette émulation autour de l’enseignement (en ligne) a, pour l’heure, surtout profité à des pure players, qui, comme MasterClass, dominent le champ des formations courtes non-diplômantes, celles d’une durée inférieure à 12 mois :
Le champ des cours en ligne structurés autour de parcours de moins d’un an a connu de très fortes évolutions, à l’instar de Coursera qui a pivoté vers un modèle payant, qui était d’ores et déjà congénital à 2U, qui propose des diplômes en ligne payants, en partenariat avec les toutes meilleures universités (Harvard, NYU, etc.)
La startup américaine a d’ores et déjà anticipé cette ruée vers les formations plus courtes, en rachetant Trilogy pour 750 millions de dollars, ce qui lui permet de supporter une croissance des Graduate Programs en très fort ralentissement.
Le développement de formations courtes (Alternative Credential) permet à ces nouveaux acteurs de briller et de connaître une croissance bien supérieure aux 10 à 20% annuels que réussissent à atteindre les Grandes Écoles les plus dynamiques.
Le cours d’économie de Paul Krugman ne pourrait-il pas permettre, à terme, d’engranger des ECTS ? Celui de stratégie de Bob Iger ? De leadership d’Howard Schultz ? Un MasterClass Master of Management pourrait-il voir le jour ? Les autres plateformes pourraient-elles faire de même ?
Certains acteurs de la formation digitale l’ont anticipé : Le Wagon lance un MBA en partenariat avec l’IESEG, qui était d’ores et déjà partenaire stratégique. Mais la firme edtech sait aussi s’affranchir des Grandes Écoles : en proposant ses propres formations de code sous forme de bootcamp, sans solliciter de reconnaissance ministérielle, celle des entreprises lui suffisant. Peu avant l’épidémie de Covid-19, l’entreprise a annoncé une levée de fonds de 17 millions d’euros, la première de sa (déjà) longue histoire !
Du côté d’OpenClassrooms, autre mastodonte français de l’éducation en ligne qui a levé 60 millions de dollars avec le fonds (évidémment américain) General Atlantic, la reconnaissance ministérielle est recherchée : elle a fait enregistrer au RNCP ses propres formations, proposant même l’alternance, allant jusqu’au bac+5.
Quel avenir pour les Grandes Écoles dans cet univers concurrentiel neuf ?
MasterClass et son offensive colossale par le biais de publicités sponsorisées, notamment diffusées sur YouTube, qui lui apporte à lui seul 14% de son trafic à l’heure actuelle, n’est que l’illustration d’un basculement stratégique : celui de l’enseignement en formation initiale mais aussi continue (pour lequel la dynamique de lifelong learning liée au CPF est très porteuse) vers l’adoption de supports en ligne dont l’excellence en UX/UI est à la hauteur du contenu associé.
Mortes sont les critiques, parfois exacerbées, contre les MOOCs et la délivrance des cours en ligne. Les plus grands détracteurs d’autrefois se muent aujourd’hui en thuriféraires acharnés du travail online de leurs équipes.
Mais pour exister et croître dans ce futur marché de l’enseignement supérieur, l’adaptation des cours en format Zoom ne suffira pas. Cette solution ne peut que pallier, à court-terme, la fermeture des campus et ne constitue en rien une expérience pédagogique satisfaisante à long-terme, ne serait-ce que pour des formations peu onéreuses, bien plus optimisées et sur lesquels les acteurs du marché travaillent depuis de très nombreuses années.
La capacité à exister sur des marchés en ligne constituera une clé de croissance de la décennie à venir, tout comme les bachelors et les MS/MSc l’ont été dans la décennie précédente (et continueront de l’être).
L’acquisition de Studi, spécialiste de la création de formations en ligne, par Galileo Eduation, un des plus grand groupe d’écoles supérieures privées au monde valant 2,7 milliards de dollars, avant la crise du Covid-19, est une illustration des stratégies suivies par des entreprises à but lucratif afin d’initier une plus forte croissance organique au cours des prochaines années.
Cette décennie 2020-2029 marquera l’avènement de nouvelles chaînes de création de valeur dans le monde de l’enseignement supérieur, qui devra à la fois :
- maintenir et renforcer l’employabilité des étudiants dont les enseignements et les compétences sont parfois en retard par rapport aux besoins du marché, notamment en raison de la lourdeur des processus d’accréditations et des reconnaissances (l’école 42 s’en est ainsi totalement affranchie) ;
- continuer de professionnaliser sa communication et remplacer les contenus parfois vides de sens vendus par de nombreux acteurs déconnectés des réalités des prospects pour se mettre, par exemple, au niveau de cette vidéo de Paul Krugman en début d’article. Elle cible des étudiants qui ne pourront s’empêcher par la suite de la comparer à des vidéos d’écoles de qualité souvent inférieure dans un contexte concurrentiel bien plus exacerbé que celui qui prédomine à l’heure actuelle et qui ne laissera plus aucune place à la médiocrité ;
- capter les nouvelles pistes de création de valeur rendues possibles par la formation en ligne, par l’attaque du segment de marché des enseignements courts (Alternative Credentials), autrement plus rentables et permettant de pallier le désengagement progressif de l’État, quasiment achevé pour les Grandes Écoles de management.
2Empower se tient évidemment à disposition de ses partenaires pour imaginer et travailler autour de ces nouvelles problématiques autour desquelles nous échangeons d’ores et déjà régulièrement avec nos clients.
Le ciblage et la production de contenus qualitatifs importent plus que jamais, et nos partenaires sur performent très nettement leurs concurrents depuis de nombreuses années.
Notre équipe technique est en phase de finalisation de notre plateforme Up2School qui, en complément de l’application (déjà en ligne et téléchargée par de nombreux étudiants), affiche l’ambition d’être la référence mondiale de l’orientation ambitieuse au sein de l’enseignement supérieure, adaptée à ce que sera l’enseignement supérieur en 2025. C’est d’ailleurs le sujet de notre prochain magazine Le Major !
Envie d’échanger plus en profondeur sur ces sujets ? Pour me contacter : mehdi [at] 2empower.com